La chiropratique est très certainement l’une des professions médicales les plus méconnues. Elle est également très mal comprise quant à ce qu’elle peut apporter aux personnes souffrant de problèmes de santé.
Lorsque je suis revenu en Suisse après ma formation de chiropraticien au Canada en 2000, la Chiropratique était déjà intégrée depuis près de 40 ans dans le système médical de l’assurance de base. En France, elle sera reconnue dans la loi Kouchner en 2002.
Cependant, un sondage effectué par l’Association Suisse des Chiropraticiens révélait qu’à peine un tiers des personnes interrogées avait entendu parler de la chiropratique ! Une profession médicale remboursée par l’assurance de base et près plus de 70 % de la population n’en a jamais été informée. Étonnant n’est-ce pas ! Pire encore, sur les moins de 30 % qui en avaient entendu parler, plus des deux tiers pensaient que la chiropratique était l’équivalent de la physiothérapie !
Il serait intéressant de voir si les choses ont évolué. Je n’en suis pas si sûr. Par exemple, peu de personnes savent que, au jour d’aujourd’hui, le CHUV de Lausanne propose une unité de soins chiropratiques.
À mon avis, la chiropratique est l’un des secrets les mieux gardés du domaine médical. Ce manque de connaissance de cette profession a donné lieu à de nombreuses idées reçues et de nombreux mythes auquel il est grand temps de tordre le cou. C’est le but de cet article.
Idée reçue No 1 : « Le chiro est une personne qui remet en place »
Vous avez entendu dire que le chiropraticien remet en place et vous vous demandez « est-ce que le chiropraticien fait craquer » ?
La majorité des gens ont tendance à associer la chiropratique à l’une de ces techniques principales, la manipulation vertébrale avec craquement. Pour celles et ceux qui se sont un jour « coincé » la nuque, le milieu ou le bas du dos et qui sont passés entre les mains expertes d’un chiropraticien avec un soulagement rapide et durable, l’expérience est presque magique, surtout si les douleurs n’avaient pas répondu à la médication ou à d’autres thérapies manuelles. Cela peut effectivement donner l’impression que le chiropraticien a « remis quelque chose en place ».
Pourtant, la réalité est bien autre.
Tout d’abord, le chiropraticien n’est pas un simple thérapeute. C’est un professionnel de la santé qui a reçu une formation médicale universitaire au même titre qu’un médecin spécialiste. Les patients peuvent le consulter sans passer par le médecin et le chiropraticien a les mêmes droits et devoirs que le médecin ou autre spécialiste médical. Le chiropraticien va poser un diagnostic. Pour cela, en Suisse, il peut vous envoyer faire des imageries (radiographies, IRM, …) ou des prises de sang et, en cas de besoin, vous prescrire de la physiothérapie ou un arrêt de travail.
Au contraire de la physiothérapie et de l’ostéopathie, le chiropraticien le même statut que le médecin généraliste ou le spécialiste. Il est remboursé par l’assurance de base et a le contrôle complet de sa prise en charge, du diagnostic initial au bilan, en passant par le traitement. C’est un avantage incontestable que d’avoir le même intervenant qui pose le diagnostic et qui vous traite. En fonction de l’évolution, il peut immédiatement adapter la prise en charge, ce qui n’est par exemple pas le cas en physiothérapie où c’est le médecin qui pose le diagnostic puis délègue le traitement au physiothérapeute avant de revoir le patient.
Le deuxième aspect important à comprendre est que le chiropraticien ne « remet pas en place ». Ce descriptif est issu de la reboutologie est n’a aucune réalité anatomique. Les articulations et les muscles « ne sortent pas de leur place ». Les articulations perdent de leur mobilité et les muscles se contractent. Et ce n’est que l’expression superficielle d’un problème sous-jacent plus important. Lorsque vous vous bloquez, la dysfonction musculo-articulaire est toujours accompagnée d’une activation des voies neurologiques de la douleur qui peut amener au développement de douleurs chroniques. Il est donc essentiel de ne pas s’arrêter à cette vision superficielle des choses et de prendre en compte l’état global de la personne. C’est ce que fait le chiropraticien dans son diagnostic et son plan de traitement.
De plus, il existe de nombreuses raisons pour lesquelles vous vous êtes bloqués. Peut-être avez-vous accumulé trop de stress ? Peut-être avez-vous une mauvaise posture ou que vous faites des mouvements répétitifs inappropriés sur votre lieu de travail ? Peut-être que c’est une ancienne blessure ou traumatisme qui n’avait pas été complètement guéri qui a fragilisé vos tissus ? Peut-être que votre corps est déconditionné et que vous n’avez plus un bon contrôle neuromoteur pour stabiliser votre colonne ? Dans tous les cas, il ne s’agit pas simplement de débloquer la mécanique, mais également de comprendre les mécanismes sous-jacents qui ont permis au blocage de se faire et de les traiter afin d’éviter des récidives.
Finalement, il existe de nombreuses situations cliniques qui vous donnent l’impression d’être bloqué, mais qui sont beaucoup plus sérieuses et nécessitent un diagnostic plus poussé, comme les hernies discales ou des phénomènes de sensibilisation du système nerveux qui préparent le terrain de la douleur chronique.
Votre chiropraticien ou chiropraticienne prendra tous ces facteurs en compte dans votre évaluation et votre traitement.
Idée reçue No 2 : « Le chiro fait craquer les os »
Encore une idée reçue qui a la vie dure. Les chiropraticiens utilisent effectivement, dans leur arsenal de techniques manuelles, un type de manipulation vertébrale – appelée manipulation à haute vélocité et basse amplitude ou HVLA en anglais – qui provoque un « bruit » ou « craquement ». Techniquement, on appelle cela une « cavitation ».
Ce bruit de craquement, ce ne sont pas les os qui craquent. C’est le bruit provoqué par des changements chimiques au sein du complexe articulaire. Durant la manipulation vertébrale HVLA, le chiropraticien utilise une manœuvre très précise et millimétrique qui va amener l’articulation au-delà de son mouvement normal, mais en deçà de la zone de perte d’intégrité, dans ce que les anatomistes appellent l’espace paraphysiologique.
Cette manœuvre n’a pas pour but de « remettre en place ». Physiologiquement, le fait d’amener précisément le mouvement articulaire dans l’espace paraphysiologique permet d’activer des récepteurs neurologiques qui vont créer une activation des voies neurologiques. Cette activation à de nombreux bénéfices. Elle réduit la sensation de douleur, améliore la mobilité articulaire et détend la musculature. Par voie réflexe, dans certains cas, cette activation neurologique peut même avoir un effet bénéfique sur la fonction de nos organes.
Des études récentes ont montré que l’activation des voies neurologiques produites par une manipulation « remonte » jusqu’à notre cerveau et peut participer à améliorer le contrôle moteur ou certains réflexes. Elle a aussi un effet de détente sur le système nerveux.
C’est l’ensemble de ces mécanismes qui font que de nombreux patients reportent des effets secondaires positifs inattendus en plus de la réduction de la douleur, comme le fait de se sentir moins tendu, de mieux dormir, d’avoir plus d’énergie ou même d’avoir l’impression que leur vision est moins terne.
La manipulation vertébrale HVLA apporte donc des bénéfices spécifiques que les autres techniques manuelles n’apportent pas. Ses effets étant globaux, les chiropraticiens utilisent, pour la décrire, le terme d’ « ajustement vertébral ».
Idée reçue No 3 : « l’ostéo, c’est comme la chiro, mais en plus doux »
Tout d’abord, il existe une différence fondamentale entre l’ostéopathie et la chiropratique. La chiropratique est une profession médicale universitaire. Le chiropraticien travaille dans le cadre de l’assurance de base, ce qui n’est pas le cas de l’ostéopathe. Le chiropraticien peut effectuer un diagnostic médical et vous envoyer faire des imageries ou des prises de sang, ce qui n’est pas le cas de l’ostéopathe.
En France, seul le chiropraticien est autorisé à prendre en charge des pathologies articulaires, comme les hernies discales ou l’arthrose vertébrale. Il peut également manipuler la colonne cervicale sans autorisation médicale préalable. L’ostéopathe est limité à la prise en charge de troubles vertébraux fonctionnels et ne peut manipuler la nuque que sur autorisation médicale.
« La douceur » du traitement n’est pas associée à l’une des deux professions, mais bien plus au style du praticien. Bien évidemment, un ostéopathe qui traite son patient avec une technique viscérale donnera l’impression d’un traitement plus doux qu’un chiropraticien qui manipule le bassin de son patient. Mais tout est relatif, une manipulation vertébrale millimétrique faites par un chiropraticien sera par exemple plus douce et agréable qu’une manipulation à long levier effectuée par certains ostéopathes.
Même si une manipulation vertébrale avec craquement peut être impressionnante, surtout la première fois, elle sera bien plus douce qu’un travail musculaire profond qui peut même parfois provoquer un hématome.
La douceur du traitement va également dépendre de votre état général. Une manipulation faite dans le cadre d’un système nerveux détendu sera beaucoup plus agréable qu’une manipulation faite dans le cadre d’un système nerveux plein de tension.
De plus, en chiropratique, il existe près de 300 techniques manuelles différentes qui permettent d’adapter les soins aux besoins de la personne. La manipulation vertébrale n’est qu’une technique dans l’arsenal du chiropraticien. Nous pouvons donc adapter nos techniques au patient ce qui nous permet de prendre soin d’un large spectre de patients, du bébé nouveau-né à la dame âgée de 95 ans qui souffre d’une ostéoporose sévère.
Cliquez ici pour en savoir plus sur la différence entre chiropratique et ostéopathie.
Idée reçue No 4 : « manipuler la nuque, c’est dangereux »
Les gens – professionnels de la santé inclus – ont de nombreuses idées reçues et sont souvent mal informés. Vous avez entendu dire que les manipulations vertébrales peuvent être violentes et vous vous demandez « est-ce dangereux de voir un chiropraticien ? »
L’idée reçue que la manipulation de la nuque est dangereuse vient de l’association entre la manipulation cervicale et des cas d’atteinte de l’artère vertébrale. Pourtant, il est important de comprendre qu’une association ne veut pas dire causation.
Par exemple, si vous gagnez à la loterie le soir même de votre premier traitement chiropratique, il y aura une association temporelle entre les deux événements. Mais cela ne veut pas dire que c’est votre traitement chiropratique qui vous a fait gagner à la loterie !
La manipulation cervicale a parfois mauvaise presse, notamment chez certains membres du corps médical mal informés. Elle est malheureusement victime du même biais qui touche l’aviation. Proportionnellement au nombre de personne transportée, l’avion est plus sûr que la voiture. Mais lorsqu’un avion s’écrase, il fait la Une des médias. C’est un peu la même chose pour la manipulation vertébrale.
Comme tout acte médical, il existe un risque léger, qui pour la manipulation est de l’ordre de une complication par plusieurs millions de traitements. Mais lorsque cela se produit, tout le domaine médical en parle.
La réalité est que la manipulation vertébrale est, dans les mains d’un professionnel comme le chiropraticien, une manœuvre extrêmement sûre. Une étude a montré que, pour traiter des douleurs cervicales, la manipulation vertébrale est plusieurs ordres de grandeur plus sûre que la prise d’anti-inflammatoire.
De plus, plusieurs études ont montré que la manipulation cervicale ne pouvait pas créer de lésion de l’artère vertébrale ou de perturbation significative du flux sanguin vers le cerveau.
En fait, le lien entre manipulation vertébrale et attaque cérébrale est une association, mais pas nécessairement une causation. Les symptômes d’une attaque cérébrale incluent des maux de tête, des vertiges et des douleurs cervicales, des symptômes qui amènent les patients à consulter un chiropraticien. Dans des cas rares où ces symptômes sont provoqués par un processus amenant à une attaque cérébrale et que le chiropraticien manipule, ce n’est pas la manipulation qui cause le problème. Le véritable problème est le mauvais diagnostic. Dans la littérature, il y a par exemple des cas de patients présentant ce type de symptômes qui ont fait une attaque cérébrale dans la salle d’attente parce que le chiropraticien était en retard. S’il avait été à l’heure, et traité le patient sans reconnaître que les symptômes étaient dus à un autre processus, on aurait accusé la manipulation !
Une étude a d’ailleurs montré que, dans des cas où les céphalées et les douleurs cervicales étaient dues à un processus d’attaque cérébrale en train de se faire, mais pas suffisamment évolué pour qu’il puisse être diagnostiqué par le praticien, il n’y avait pas de risque supplémentaire si le patient avait consulté un chiropraticien que s’il avait consulté un médecin généraliste.
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