Cela fait quelques semaines que vous avez mal dans le bas du dos. Cela ne passe pas, alors vous décidez de consulter votre médecin. Vous lui expliquez que vous avez mal dans le bas du dos. Après vous avoir écouté quelques minutes, le praticien effectue un examen sommaire. Il vous demande de vous pencher dans plusieurs directions pour voir si cela provoque vos douleurs, vous couche sur le dos pour lever vos jambes, tapote votre dos et teste vos réflexes. Le diagnostic tombe. Vous souffrez de lombalgies. Et vous ressortez avec une prescription pour des anti-inflammatoires.
Lombalgies, cela veut dire « mal au bas du dos » en latin. A priori, on pourrait se demander s’il vaut vraiment la peine de consulter un professionnel qui a fait 10 ans d’études pour recevoir un diagnostic formé par un mot compliqué qui veut dire la même chose que la sensation que vous aviez décrit. Vous auriez pu rester chez vous, vous contenter de votre simple terminologie de « mal au dos » et de piocher dans les anti-inflammatoires que vous pouvez acheter vous-même en pharmacie.
La réalité est que, en matière de mal de dos, la médecine classique est dépourvue. Le rôle de votre médecin est de s’assurer que votre mal de dos n’est pas causé par quelque chose de grave, comme une tumeur ou une hernie discale. Une fois cette possibilité éliminée, il n’a pas grand-chose à vous offrir, si ce n’est une ordonnance pour des médicaments ou de la physiothérapie.
En fait, dans la majorité des cas de mal de dos, les chercheurs parlent de « mal de dos non-spécifique ». On ne sait pas vraiment ce qui est à l’origine de votre mal de dos.
Quand une personne a mal au dos, elle a tendance à penser que les douleurs proviennent des tissus du dos, comme un muscle contracté ou une vertèbre bloquée. Pourtant, la réalité est beaucoup plus complexe. Par exemple, dans une étude récente, des chercheurs Australiens ont effectué une revue de 33 autres études sur les facteurs qui contribuent au mal de dos non-spécifique. Ils ont découvert que les facteurs psychologiques expliquaient plus la douleur que les facteurs mécaniques que l’on pouvait observer sur des radiographies ou des IRM.
Non, je ne suis pas en train de dire que tout est dans votre tête et que vous devriez aller voir un psy plutôt qu’un chiro.
Je partage cela avec vous parce que j’ai envie de vous faire prendre conscience que le mal de dos est rarement quelque chose d’unidimensionnel, surtout s’il est devenu chronique. En fait, l’explication des causes de votre mal de dos varie en fonction des praticiens que vous consultez. Chez votre généraliste, c’est « non-spécifique » et lié à de l’inflammation, d’où des anti-inflammatoires. Chez le physio, c’est musculaire, d’où des massages ou des exercices. Chez le chiro ou l’ostéo, c’est articulaire, d’où des manipulations. Chez le psy, c’est psychosomatique et lié au stress.
C’est un peu comme les trois aveugles qui doivent décrire un éléphant. Le premier est à la trompe est décrit l’éléphant comme quelque chose qui ressemble à un serpent. Le deuxième est proche d’une patte et décrit l’animal comme un tronc d’arbre. Mais non, mais non, dit le troisième qui a agrippé la queue, le pachyderme, c’est comme un fouet.
Votre mal de dos peut donc avoir de nombreuses causes sous-jacentes et s’exprimer par des mécanismes divers. Le problème est que, vous ne savez pas nécessairement quels mécanismes sont impliqués et donc, quel est le meilleur praticien pour vous soulager. Si vous avez effectivement de l’inflammation comme mécanisme principal, les résultats des soins ostéopathiques vont être décevants. Si vous avez un blocage mécanique et que vous consultez un psychologue, ne vous attendez pas à aller mieux.
Imaginez que vous avez mal au dos parce que vous êtes bloqué mécaniquement. Vous allez voir un chiropraticien qui vous soulage en deux séances. Vous trouvez cela magique alors vous vous empressez de recommander votre chiro à votre voisin qui a aussi mal au dos. Après 10 séances, il ne va toujours pas mieux. Cela ne veut pas dire que la chiropratique est inutile, simplement que les mécanismes du mal de dos de votre voisin sont différents des vôtres.
Comme les aveugles et l’éléphant, chaque professionnel fait inconsciemment entrer le patient dans son modèle de soin. Mon expérience m’a montré que c’était une recette parfaite pour un échec thérapeutique.
Pour aider au mieux le patient, il est bien plus sage de ne pas se laisser limiter par les contraintes et les préjugés de sa propre profession, d’être conscient des différents mécanismes et causes qui peuvent être en jeu, de ne pas partir avec des a priori et d’avoir un processus diagnostic qui permet de mettre en évidence le ou les mécanismes qui participent au mal de dos du patient.
Je pratique depuis plus de vingt ans et j’effectue entre 8 000 et 10 000 consultations chaque année. À l’heure où j’écris ces lignes, j’ai plus de 150’000 consultations à mon compteur. Fort de cette expérience, j’ai pu observer, au travers des années, que les mécanismes et les causes sous-jacentes des problèmes de dos peuvent être classés en 7 catégories.
Il existe donc sept types différents de problèmes de dos.
Si nous voulons pouvoir vous traiter de manière efficace et durable, il est donc impératif d’identifier le ou les types de maux de dos qui vous affecte et de traiter spécifiquement chacun de ces types.
Il est important de garder à l’esprit qu’un symptôme de mal au dos n’indique pas quelle en est la cause ou le mécanisme, et que, si nous traitons le mauvais type de mal de dos, les résultats des thérapies que nous mettrons en place pourront être insuffisants.
Voici donc un bref aperçu des sept différents types de maux de dos.
Mal de dos mécanique
Le mal de dos mécanique est un problème clinique assez simple : vous êtes en bonne santé, sans pathologie particulière, et vous faites un faux mouvement, vous tombez ou vous avez un accident. Vous vous bloquez une vertèbre, vous vous contractez un muscle ou vous vous pincez un nerf. Le mal de dos mécanique est en général causé par un blocage des articulations de la colonne ou des contractures musculaires et leurs conséquences, comme des points gâchettes (trigger point).
Globalement, en quelques séances de traitements manuels avec un chiropraticien, un ostéopathe ou un physiothérapeute, vous êtes de retour sur les rails. Le mal de dos mécanique est simple et répond rapidement aux traitements manuels.
Mal de dos dégénératif
Le deuxième type de problématique que nous rencontrons est le mal de dos dit « dégénératif ». Dans ce cas, les tissus de la colonne sont touchés, lésés ou blessés.
On distingue deux grandes catégories :
- La première concerne tous les problèmes de dos qui sont liés aux disques intervertébraux : protrusions discales, tassements de disques ou hernies discales qui vont jusqu’à irriter les racines des nerfs, donnant lieu à des sciatiques (irradiation dans la jambe), des cruralgies (irradiation dans la cuisse) ou des cervico-brachialgies (irradiation dans le bras).
- L’autre grande catégorie de problèmes dégénératifs, c’est ce qui se passe en cas d’usure des tissus (comme dans le cas de l’arthrose). Une arthrose trop développée peut être douloureuse en soi, voire également comprimer les racines des nerfs.
Le mal de dos dégénératif est une problématique différente d’un mal de dos mécanique. Les tissus sont usés et peuvent garder une fragilité. On ne va pas toujours pouvoir restaurer complètement la fonction des tissus puisqu’il y a cette usure qui s’est faite et cela ouvre potentiellement la porte à des récidives. La réhabilitation et le soutien nutritionnel vont jouer un rôle important dans la prise en charge de ce type de mal de dos.
Mal de dos de déconditionnement
Le mal de dos de déconditionnement est un état douloureux où les muscles n’arrivent plus à faire de manière adéquate leur travail de stabilisation ou de mobilisation. Les causes fréquentes de ce type de maux de dos sont une position assise trop prolongée et trop fréquente dans la journée, un manque d’activité physique et un mode de vie sédentaire. La musculature n’est plus capable de bien stabiliser votre dos, vos articulations sont sursollicitées et cela entraîne l’apparition de douleurs.
Le mal de dos de déconditionnement est essentiellement lié à un manque de mouvement ou des schémas aberrants de mouvement. L’un de mes mentors disait que la soif signale un manque d’hydratation, la faim un manque d’alimentation et la douleur un manque de mouvement. C’est absolument vrai pour ce type de mal de dos.
Dans le cas des maux de dos de déconditionnement, les manipulations vertébrales peuvent être importantes pour corriger les conséquences, mais elles ne sont pas suffisantes pour aborder les causes puisque la vraie solution dans ce type de mal de dos passe par un reconditionnement et une amélioration du contrôle neuromoteur de votre musculature.
Ces trois premiers différents types de maux de dos demandent des prises en charge différentes et adaptées. C’est pour cette raison qu’il est très important d’identifier le type de mal de dos dont vous souffrez afin de cibler le traitement qui sera le plus efficace pour votre cas.
Il est également fréquent d’observer la combinaison de plusieurs types de maux de dos chez les patients. Vous pouvez par exemple avoir à la fois un problème mécanique et un problème de déconditionnement. Dans ces cas, il est donc essentiel de combiner plusieurs traitements, chaque traitement abordant spécifiquement le type de mal de dos impliqué dans vos douleurs.
Mal de dos neurologique
Le quatrième type de mal de dos est le mal de dos neurologique. Vous avez l’impression que votre dos est le problème, parce que c’est là que vous ressentez les douleurs, mais en réalité, les douleurs sont générées par des dysfonctions de votre système nerveux.
C’est le principe des « douleurs fantômes », que l’on trouve notamment chez des personnes qui se sont faites, par exemple, amputer un bras et qui ont l’impression d’avoir mal à ce bras… qui n’existe plus.
Dans le mal de dos neurologique, les douleurs sont générées par le cerveau. Elles sont bien réelles et vous paraissent vraiment venir de votre dos. Mais en fait, elles viennent de votre cerveau qui a développé une sensibilité à la douleur et qui génère des messages douloureux à tout va. La douleur peut être provoquée par une lésion des voies neurologiques, comme dans les douleurs neuropathiques ou par des dysfonctionnements de ces voies neurologiques sans qu’il n’y ait de lésion, comme dans les douleurs désormais appelées nociplastiques.
Le mal de dos neurologique est responsable des douleurs chroniques, comme la fibromyalgie ou les douleurs neuropathiques. C’est une problématique complexe qui demande une approche radicalement différente des autres types de mal de dos. En fait, dans ce type de problème les traitements utilisés pour les autres types de maux de dos – comme les manipulations, les massages ou la réhabilitation – peuvent même péjorer la situation clinique.
Mal de dos tensionnel
Le cinquième type de mal de dos est le mal de dos que j’appelle « tensionnel ». C’est un mal de dos qui est dû aux tensions de la vie et aux émotions, lorsque vous avez accumulé trop de stress dans vos muscles, vos articulations et votre système nerveux. On peut également classer dans cette catégorie tous les problèmes de dos liés à nos émotions, aux demandes de la vie et aux soucis que l’on peut avoir.
Il est très important de comprendre que ce mal de dos tensionnel peut finir par évoluer en mal de dos mécanique. Si vos muscles sont contractés, votre colonne ne va plus bouger et cela va créer des blocages mécaniques. Par contre, la solution n’est plus mécanique car nous devons aller au cœur du problème : l’accumulation de tension et de stress dans le système nerveux.
Certains spécialistes appellent ce type de mal de dos « douleurs du corps/esprit » ou « douleurs générées par les circuits neurologiques ». Ce type de mal de dos a été particulièrement étudié par le Dr Sarno, un spécialiste de médecine physique américain qui avait fait l’hypothèse qu’une majorité des problèmes de dos étaient liés aux émotions, notamment la colère. Il avait un taux de réussite impressionnant… chez les patients qui étaient prêts à prendre conscience de la composante émotionnelle de leur problème. Dernièrement, plusieurs études américaines ont montré, dans la fibromyalgie par exemple, des approches de prise de conscience et d’expression des émotions étaient beaucoup plus efficaces que les approches standards en matière de réduction de la douleur.
Si vous êtes détendu et que vous vous bloquez le dos, une manipulation va vous soulager rapidement et vous allez vous sentir mieux. Mais si votre système nerveux est tout contracté et que je viens seulement débloquer la mécanique, vous allez peut-être vous sentir bien un ou deux jours. Par contre, si l’on ne met pas en place un processus qui permet de petit à petit venir éliminer les tensions neurologiques sous-jacentes, votre colonne va à nouveau se verrouiller rapidement et les douleurs vont revenir. Nous devrons donc aborder ce type de mal de dos de manière différente du type mécanique.
Mal de dos chimique
Le mal de dos chimique constitue le sixième type de mal de dos. Par « chimique », j’entends qu’il y a une composante inflammatoire ou métabolique à vos douleurs. L’inflammation peut être une cause de maux de dos. Vous en avez fait l’expérience quand vous avez pris des anti-inflammatoires qui ont calmé momentanément vos douleurs. Pourtant, le but ici n’est pas simplement de moduler chimiquement l’inflammation avec un médicament ; il faut en découvrir les causes et les éliminer. Le mal de dos chimique est lié à notre style de vie.
L’inflammation des tissus peut avoir des causes multiples, comme :
- une alimentation trop riche en Oméga 6 ou en graisses trans.
- une consommation excessive de produits à base de sucres raffinés ou trop riche en produits animaux comme les viandes et les produits laitiers.
- la consommation de substances chimiques comme l’alcool ou la cigarette
- la sédentarité ou le manque de sommeil.
L’inflammation peut également provenir :
- d’un déséquilibre au niveau gastro-intestinal (dysbiose et intestin perméable), ce qui crée de l’inflammation dans le reste du corps.
- de maladies auto-immunitaires, etc.
Dans ce type de mal de dos, les douleurs ne sont plus dues à des problèmes mécaniques ou neurologiques mais à une composante chimique qu’il faut prendre en compte pour traiter efficacement la douleur, notamment au travers d’une approche nutritionnelle.
Mal de dos existentiel
Le dernier type de mal de dos est le mal de dos dits « existentiel ». Dans ce cas, la douleur est un message du corps qui dit que « vous en avez plein le dos ! » Les douleurs s’expriment au niveau du dos, mais elles sont l’expression que votre vie n’est pas comme vous auriez espéré qu’elle soit.
Vos maux de dos sont le baromètre de votre manque de plénitude et d’épanouissement. Des stratégies thérapeutiques très spécifiques, propres à ce type de mal de dos, sont à mettre en place si vous désirez vous sentir mieux. La remise en question et la transformation sont nécessaires. Un accompagnement de coaching est essentiel.